La théorie « cognitive-expérientielle » ou CEST (cognitive-experiential self-theory) part du principe que l’être humain peut traiter l’information sous deux modes différents. Epstein (1991, 1994,) qui s’inspire en partie des processus primaires et secondaires de la théorie psychanalytique freudienne, estime que les individus abordent la réalité par deux voies distinctes, l’une intuitive, automatique, naturelle, non verbale, narrative et expérientielle, l’autre analytique, délibérative, verbal et rationnelle (Tableau).
Tableau. Comparaison des systèmes expérientiel et rationnel (Epstein, 1991).
L’individu utilise ces deux systèmes pour se construire une représentation du soi et du monde avec deux logiques totalement différentes. Le système rationnel est bâti sur des croyances explicites alors que le système expérientiel repose sur des croyances implicites qui sont issues de généralisation, elles-mêmes dérivées d’expériences émotionnelles significatives. Ces blocs d’expériences sont organisés entre eux dans un système plus global qualifié d’adaptatif. Cette structuration peut toutefois être partiellement ou totalement désorganisée si l’être humain est confronté à des expériences émotionnelles significatives qu’il est incapable d’organiser. Pour Epstein (1994), c’est cette incapacité à organiser l’expérience émotionnelle qui explique certaines formes de pathologies mentales, comme la schizophrénie.
Pour la théorie CEST, tous les comportements sont le produit conjoint des opérations de ces deux systèmes, notamment au travers de processus non conscients dont l’influence persiste à un niveau conscient. La dominance relative de l’un des systèmes est déterminée par différents paramètres incluant le style cognitif. L’excitation émotionnelle, dont la situation peut être potentiellement chargée, a également la faculté d’entraîner un décalage en faveur du système expérientiel.
Quatre besoins fondamentaux expliquent l’ensemble du fonctionnement humain :
1 – la recherche du plaisir et l’évitement de la douleur (hédonisme) ;
2 – le maintien d’un système conceptuel cohérent et stable
(cohérence) ;
3 – le maintien des relations sociales ;
4 – le maintien de l’estime de soi.
Pour la théorie CEST, les quatre besoins sont aussi importants les uns que les autres. Le comportement de l’individu est considéré comme un compromis entre tous les besoins. Chaque besoin sert de comparaison et de contre balancement par rapport aux autres. Quand un besoin est satisfait, la satisfaction des autres devient plus impérative ce qui a pour effet de modérer l’influence de ce besoin et donc de la maintenir dans des limites adaptatives. Cependant, si un besoin devient compulsif alors la satisfaction des autres est entravée ce qui provoque des dysfonctionnements comportementaux. Le fonctionnement harmonieux de l’individu suppose donc une satisfaction équivalente entre ces différents besoins qui doivent fonctionner en synergie plutôt que de manière compétitive et conflictuelle.
Représentation intégrée de la théorie CEST
(d’après Epstein, 1991)