On dit qu’un individu fait de la procrastination lorsqu’il diffère inutilement, quand il ajourne, quand il recule perpétuellement des activités prioritaires (Ellis & Knaus, 1977 ; Knaus, 2000). Pour Knaus (2000), la procrastination est un choix et une décision de différer quelque chose. Cette décision continue indéfiniment en dépit de nombreuses opportunités qui pourraient y mettre un terme définitif. Cependant, Knaus rappelle que toutes les décisions de différer une activité ne relèvent pas toutes de la procrastination, et ne sont pas négatives en soi.

Steel (2007), au travers d’une analyse de différents textes historiques, montre que la procrastination a toujours existé au travers des âges mais qu’elle n’a acquis véritablement une connotation négative qu’avec la révolution industrielle. Avant cette époque, la procrastination était vue comme quelque chose de neutre et pouvait être interpréter comme de la prudence face à l’embal¬lement de l’action. Le terme de procrastination a, lui-même, une origine historique puisqu’en latin « pro » signifie « en avant » et « crastinus » veut dire « à demain ». Pour Steel (2007), l’individu fait de la procrastination lorsqu’il retarde le commencement ou la complétion d’une course future de l’action. Le fait de spécifier que la procrastination fait référence au déroulement de l’action permet d’éliminer toutes les activités qui, prises individuellement, prennent peu ou pas de temps. Cette distinction permet donc de bien spécifier qu’il ne s’agit pas d’un simple évitement de la prise de décision. De plus, sous son aspect négatif, voire pathologique, la procrastination doit, évidemment, être entendue comme quelque chose de déraisonnable, où la mauvaise gestion temporelle est quelque chose d’irrationnel. Pour Steel (2007), la procrastination est donc un ajournement volontaire de l’action, et ce, bien que l’individu s’attende à ce que ce délai empire les choses.

Pour Knaus (2000), les individus qui font de la procrastination remettent indéfiniment ce qu’ils ne veulent pas faire. La procrastination est le résultat d’un processus interactif de dysfonctionnements à la fois cognitif et comportemental qui généralement comprend les éléments suivants :

  1. un désir d’éviter l’activité ;
  2. une décision de la reporter ;
  3. une promesse de la réaliser plus tard ;
  4. un engagement dans des activités substitutives qui font diversion ;
  5. des excuses fallacieuses qui ont pour but à la fois de justifier le délai et d’éviter les blâmes.

Les procrastinateurs sont généralement tellement absorbés dans ce processus, qu’ils limitent eux-mêmes la construction d’une compétence à organiser, réguler et diriger correctement l’activité en vue d’atteindre un résultat productif. Différents mécanismes psychologiques peuvent opérer indépendamment ou coexister. La procrastination peut être connotée comme un problème d’habitude, un mécanisme de défense, une peur de l’échec perfectionniste, un symptôme dépressif, un déficit de l’attention, de faible capacité d’organisation, un manque de confiance en soi, une faible frustration à la tolérance, un malaise anxieux. De plus, la procrastination peut être un moyen d’obtenir des bénéfices secondaires comme de l’attention.

Pour Knaus (2000), toute une panoplie de motivations d’évitement est associée à la procrastination. Ces motivations sont médiatisées par divers mécanismes comme le manque de confiance en soi, la faible tolérance à la frustration, l’agressivité passive, la rébellion, la peur de l’échec, l’indif¬férence, la paresse, l’ennui, la difficulté se contrôler. Cependant, bien qu’ils aient généralement une faible opinion d’eux-mêmes, les individus qui font de la procrastination recherchent l’assentiment de ceux qui les entourent. Pour éviter les punitions, ils mettent en place des stratégies qui vont dévier les blâmes comme le fait de décaler la responsabilité, de jouer le jeu (de faire comme si), de rationnaliser, de dénier, de faire des excuses ou encore de créer une distorsion de la réalité.

Pour Steel (2007), d’une manière générale il semble que la procrastination soit associée à une faible estime de soi et un sentiment d’efficacité personnelle extrêmement faible. Ces individus souffrent de croyances irrationnelles qui mettent en doute leur capacité de réaliser l’action (faible sentiment d’efficacité personnelle) et parallèlement ils estiment que le moindre échec ne fait que confirmer leurs faiblesses (faible estime de soi). Les individus qui font de la procrastination estiment confusément que leurs actions ne va pas changer leur situation, ce qui fait qu’ils se concentrent plutôt sur la gestion de leurs émotions en réaction à la situation qu’ils ont eux-mêmes créée. Ainsi, ils ont plutôt tendance à utiliser des stratégies de gestion des émotions plutôt que des stratégies de gestion de l’activité.

Cependant, tous les auteurs reconnaissent que la procrastination peut également avoir un versant positif bien que ce dernier fasse généralement l’objet d’une faible attention de la part des chercheurs. Chu & Choi (2005) ont proposé de faire la distinction entre la procrastination passive et active. Les procrastinateurs passifs font référence au tableau négatif qui vient d’être dressé plus haut. Par contre, les procrastinateurs actifs seraient capables de gérer tout à fait correctement leurs prises de décision. En fait, ils suspendraient délibérément leurs actions afin de focaliser leur attention sur d’autres activités d’importance. Affectivement, quand la dernière limite approche, là où les procrastinateurs passifs voient avec pessimisme leurs performances, les procrastinateurs actifs vont effectivement se mettre à travailler car ils adorent travailler sous pression. Au lieu d’être démotivés, ils perçoivent le délai comme un challenge, se montrent persistants et tout à fait capables de terminer dans les temps.

Représentation intégrée de la procrastination (d’après Ellis & Knaus, 1977)