La conception de l’implémentation des intentions (Gollwitzer, 1999 ; Gollwitzer & Sheera, 2006) permet d’expliquer pourquoi il nous est possible de conduire, c’est-à-dire de prendre des décisions, à même de mettre notre vie en jeu, tout en pensant à autre chose. Tout un chacun peut expérimenter de façon presque quotidienne ce mode de pensée quasi-automatique où nos actions et nos réactions semblent être activées plus par les indices présents dans l’environnement que par nous-même.
Dans l’une de leurs expériences, Gollwitzer & Brandstatter (1997, expérience 2) demandent à 86 étudiants volontaires de participer à une étude sur la manière dont ils passent leur temps libre durant les vacances de Noël. En fait, le véritable objectif de l’expérience est de tester l’implémentation de l’intention. Dans la première partie de la présentation de la procédure, identique pour tous les étudiants, il leur a été demandé d’écrire sur deux feuilles de papier ce qu’ils pensaient faire pendant les deux jours qui suivront le jour de noël (les instructions sont données une semaine avant les vacances). La moitié des participants ont ensuite reçu des instructions particulières permettant d’implémenter des intentions. Il était demandé à ces étudiants de se créer une implémentation de l’intention de « où » et de « quand » durant ces deux jours, ils allaient écrire leur compte-rendu. Les participants devaient choisir un point spécifique dans le temps (par exemple tout de suite après le déjeuner du matin suivant) et un endroit (par exemple sur le bureau de leur chambre) où ils commenceraient à écrire. Il leur était demandé de bien visualiser les opportunités choisies et de se dire à eux-mêmes silencieusement « J’ai l’intention d’écrire le compte-rendu dans la situation x ». L’autre moitié des participants n’avaient pas ce type d’instruction. Tous les participants avaient ensuite pour consigne de renvoyer le plus tôt possible leurs comptes rendus par la poste (une enveloppe timbrée était distribuée à cet effet). Les résultats de l’étude font apparaître que les étudiants qui ont eu une implémentation de l’intention ont renvoyé significativement plus tôt leurs comptes rendus. De plus, 71 % des étudiants rendent leur rapport dans le temps imparti alors qu’ils ne sont que 32 % à faire de même dans l’autre groupe.
La conception de l’implémentation d’intention s’inscrit dans le cadre de la théorie des phases de l’action (Heckhausen, 1986 ).D’un point de vue purement motivationnel, cette conception s’appuie sur la poursuite d’objectif tout comme la théorie des phases de l’action. Lorsque l’individu choisit de poursuivre un objectif dans le cadre de la théorie des phases de l’action, il n’est pas certain pour autant d’atteindre le résultat qu’il souhaite. Pour cela, il doit franchir différentes étapes qui nécessitent la prise en compte d’éléments complexes. En fonction de la situation, il doit déterminer le comportement le plus approprié et aussi « quand » et « comment » il doit adopter ce comportement pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé. Dans de très nombreux cas, même si l’individu est très motivé pour agir, il n’est pas pour autant en mesure de savoir précisément quel comportement adopter et à quel moment, ce qui peut bloquer ou retarder sa prise de décision au moment opportun. Gollwitzer (1999 ; Gollwitzer & Sheera, 2006) fait donc une distinction entre « quand », « comment » et « où » se forme l’implémentation de l’intention du but et celle de poursuivre un objectif en tant que tel. L’intention de poursuivre un objectif spécifie une fin qui peut être une performance ou un résultat. L’intention de poursuivre un objectif à une structure du type « je suis déterminé à atteindre x » ou x peut être un comportement ou un résultat. Le fait de générer l’intention d’atteindre un objectif tient lieu d’engagement pour l’individu qui s’estime alors obligé de le réaliser.
L’implémentation d’intentions est subordonnée à l’intention de poursuivre un objectif et permet de spécifier quand, où et comment les comportements permettent d’atteindre l’objectif. L’implémentation d’intention a la structure suivante : « quand la situation x se produit, je vais réaliser la réponse y ». L’implémentation d’intention permet d’anticiper les opportunités et donne lieu à une orientation des réponses de l’individu. En formulant des telles intentions, l’individu s’engage à répondre à certaines situations de telle manière. Dans la mesure où l’implémentation d’intention implique la sélection de la situation la plus appropriée possible, le fait de générer une représentation mentale de la situation permet plus facilement d’activer l’intention quand la situation se présente (Gollwitzer & Brandstatter, 1997 ; Gollwitzer & Schaal, 1998).
Dans la mesure où l’implémentation d’intention implique la sélection d’un comportement effectif pour atteindre l’objectif qui est connecté à une situation donnée, cet acte mental permet d’atteindre un certain niveau d’automatisation. En effet, lorsque l’individu rencontre la situation donnée, l’action est automatiquement initiée et exécutée et ne requiert aucune attention de la part de l’individu (Gollwitzer & Schaal, 1998 ; Gollwitzer & Sheera, 2006). Cette automaticité de l’activation des objectifs rejoint la conception de Bargh (2006) sur les buts automatiques. Pour Gollwitzer (1999), en implémentant des intentions, les individus peuvent stratégiquement commuter d’un effort conscient et laborieux de contrôle du comportement (supposant à chaque fois une prise de décision), à un contrôle automatique via des indices sélectionnés préalablement dans l’environnement. Les démonstrations expérimentales mais aussi pratiques de l’implémentation d’intention commencent maintenant à être relativement nombreuses (Gollwitzer & Sheera, 2006). Par exemple, l’implémentation d’intentions permet de manger plus diététique à long terme (Sullivan & Rothman, 2008) ou encore d’empêcher l’intrusion de pensée négative pour des patients qui peuvent être suivis dans cadre d’une psychothérapie (Sheeran, Aubrey & Kellett, 2007).
Représentation intégrée de la décision