La théorie que Solomon & Corbit (1974) se veut une alternative crédible pour expliquer un certain nombre de phénomènes qui se révèlent être particulièrement contre intuitifs dans le cadre d’une explication monotone (au sens géométrique) de l’hédonisme ou de l’émotion. L’explication qu’ils proposent permet d’expliquer les modifications hédoniques ou émotionnelles importantes qui se produisent en fonction d’une échelle temporelle qui reste spécifique à chaque situation. Par exemple, les parachutistes connaissent, pour la plupart, une intense sensation de terreur lors de leur premier saut (Eptsein, 1967 cité par Solomon & Corbit, 1974) qui, une fois le saut effectué, se transforme en une autre émotion, tout aussi intense, d’ahurissement et de soulagement. Dans le registre de la passion amoureuse, l’individu va ressentir une joie, une excitation intense en présence de l’être aimé et va « parallèlement » ressentir une solitude tout aussi intense lorsque que ce dernier est absent. Ces deux exemples montrent qu’il existe non seulement une temporalité dans la succession de certaines émotions mais aussi qu’il y a une inversion de polarité. Autrement dit, quand les émotions sont négatives lors que de la première phase, elles deviennent positives à la deuxième et inversement si elles étaient positives à la phase initiale.
Pour Solomon & Corbit (1974), après l’introduction d’un stimulus aversif ou hédonique, une réaction du même ordre surgit jusqu’à atteindre un pic (« peak of primary affective reaction » cf. Figure ). Dans une deuxième phase, cette réaction décline doucement (« adaptation phase » cf. Figure ) jusqu’à atteindre un certain seuil tant que l’intensité du stimulus est maintenue (« steady level » cf. Figure ). Lorsque le stimulus s’arrête, la réaction affective s’arrête et donne naissance à une contre-réaction affective qualitative très différente de la première, qui elle-même connaît un pic en miroir de la première (« peak of affective after-reaction » cf. Figure ) et qui décline lentement jusqu’à disparaître totalement ( « decay of after-reaction » cf. Figure ).

Figure. Schéma standard d’une dynamique hédonique/affective (Solomon & Corbit, 1974)

Pour ces chercheurs, la dynamique qui vient d’être décrite (précédemment) est celle de toute manifestation affective à des degrés divers. En effet, le niveau d’intensité peut dans une certaine mesure expliquer la persistance de certains phénomènes dans le temps. Ce modèle de la dynamique des affects va encore plus loin car il postule qu’il existe un deuxième état « A’ » qui est différent du premier état « A », ce deuxième état « A’ » générant lui-même un antagoniste « B’ » différent de l’état « B » généré par l’état « A ». La différence entre « A » et « A’ » est liée à ce qui sépare une première expérience des expériences suivantes.

Par exemple, si nous continuons l’exemple des parachutistes, l’expérience émotionnelle des premiers sauts (A) est différente de celle des sauts suivants (A’). Par la suite, l’émotion que ressentent les parachutistes n’est plus de la terreur (A) mais plutôt de l’appréhension (A’). De même, l’émotion qu’ils ressentent une fois qu’ils ont sauté n’est plus de l’ordre du soulagement (B) mais plutôt de la jubilation (B’). Pour les auteurs, le processus antagoniste est un processus esclave activé indirectement par l’activation du premier processus. Ce processus esclave aurait, par hypothèse, un seuil d’évocation, une latence et une décroissance qui seraient fonction d’un processus antagoniste donné. Plus important : le processus antagoniste serait d’autant plus fort qu’il est utilisé et d’autant moins fort qu’il ferait l’objet d’un usage relativement rare. Par contre, le processus primaire n’est pas sérieusement affecté par son usage. Ainsi, la répétition d’une expérience sur la réponse hédonique serait confinée à l’augmentation de la réponse B. Plus l’expérience se répète, plus le pic B est important et plus l’effet de B met du temps à s’atténuer. Cette modification a pour effet de modifier le pic A qui s’atténue au travers d’une sommation entre A et B. C’est cette différence entre la première fois et la fois suivante qui explique la différence entre la perception des états A et des états A’. De plus, Solomon & Corbit (1974) estiment que l’utilisation prolongée du système d’antagonisme motivationnel - qu’il soit aversif ou plaisant - est susceptible de provoquer un stress psychologique dans la mesure où le processus antagoniste va vider l’individu de toutes ses ressources du fait d’une alimentation exponentielle.

Représentation intégrée de la théorie du processus antagoniste motivationnel (d’après Solomon & Corbit, 1974)