Pour Izard (1991), sans les émotions non seulement l’homme ne serait pas ce qui le définit en tant qu’être humain mais surtout il ne pourrait survivre. En effet, l’émotion est ce qui « rattache » l’enfant à ceux qui lui permettent de survivre. Sans une motivation forte de la part d’adulte nourricier de garder les enfants dans leurs bras ou dans une très grande proximité, ceux-ci ne pourraient survivre. Pour Izard, l’une des principales fonctions de l’émotion est donc motivationnelle. Cependant, il ne met pas toutes les motivations au même niveau.
Les drives qui permettent à l’organisme de survivre ont, pour lui, une base biologique évidente et sont clairement à différencier des émotions, même s’ils peuvent interagir avec elles.

Pour Izard (1991), l’émotion est une expérience sensationnelle (sans limitation aux perceptions sensorielles) qui motive, organise et guide la perception, la pensée et l’action. Pour lui, il n’existe pas d’ambiguïté sur le caractère motivationnel de l’émotion qui mobilise l’énergie de l’individu tout en ayant une fonction directionnelle qui a pour fonction de sélectionner les comportements adéquats dans une situation donnée. Par exemple, un individu effrayé ne va pas attaquer et s’il est en colère il ne va pas prendre ses jambes à son cou. Pour Izard, les émotions sont à la base de nombreux concepts motivationnels (comme les valeurs) qui ne sont ce qu’ils sont que parce l’homme est capable d’aimer, d’éprouver de la fierté, de l’intérêt ou de la joie.

Izard s’inscrit en droite ligne des travaux fondateurs de Darwin (1898) sur l’émotion en estimant qu’il existe une liste d’émotions fondamentales qui seraient partagées par tous les êtres humains, quelque soit leur culture et leur origine. L’universalité de certaines émotions serait la signature d’une explication d’ordre génétique dont les fondements expressifs seraient donc à exhumer des circuits neuronaux. Cependant, à côté de cette base génétique, les émotions sont susceptibles de faire l’objet d’un certain apprentissage qui peut avoir pour effet d’en modifier ou d’en amplifier les expressions musculaires et donc faciales. De même, les émotions peuvent également se combiner de multiples manières et ainsi donner l’occasion d’une multitude émotionnelle qui, par contre, peut totalement différer d’une culture à l’autre.

Pour Izard (1991), les émotions relèvent de trois formes. Le terme d’« émotion-état » fait référence à un processus émotionnel qui se produit pendant une durée limitée. L’« émotion-trait » fait, elle, référence à la tendance d’un individu d’expérimenter une émotion particulière de manière récurrente au quotidien. Enfin, la notion de « seuil émotionnel » permet d’expliquer pourquoi certains individus sont plus enclins que d’autres à exprimer de la colère ou de l’anxiété. Ces deux dernières formes permettent d’expliquer ce sur quoi repose cette théorie différentielle des émotions proposée par Izard.

Cinq clefs de lecture permettent de comprendre les tenants de la conception émotionnelle que propose de décrire Izard.
1 – Il existe une dizaine d’émotions fondamentales qui constituent ensemble le principal système motivationnel de l’existence humaine. Pour Izard une émotion peut être considérée comme fondamentale quand elle répond aux cinq critères suivants :

  1. elle utilise des sous-systèmes neuraux distincts et spécifiques ;
  2. elle possède une configuration spécifique et distincte de mouvements et d’expressions faciales ;
  3. elle est composée de sensations spécifiques et distinctes qui accomplissent un certain niveau de conscience ;
  4. elle est le fruit d’un processus biologique évolutif ;
  5. elle possède des propriétés organisatrices et motivationnelles qui servent de fonction adaptative

Huit émotions répondent parfaitement à ces huit critères : intérêt, joie, surprise, tristesse, colère, dégoût, mépris, peur. Si nous prenons en compte la fixité du regard et les mouvements de la tête comme des substituts de l’expression faciale, la honte peut abonder la liste. En prenant en compte le visage, les yeux et le corps comme une composante expressive, la timidité peut également être ajoutée. Enfin, Izard propose d’ajouter une onzième émotion à cette liste : la culpabilité, bien qu’elle n’est pas d’expression, ni de mouvement corporel distinct.

  • Chaque émotion fondamentale a une particularité fonctionnelle en termes d’organisation et de motivation.
  • Les émotions fondamentales comme la joie, la tristesse ont des répercussions internes différentes et produisent des effets distincts sur la cognition et l’action.
  • Les processus émotionnels interagissent et exercent différentes influences sur les processus homéostatiques, perceptifs, cognitifs, moteurs et sur les drives.
  • À l’inverse, les différents processus du point précédent influencent les émotions.

Représentation intégrée de la théorie différentielle des émotions fondamentales (d’après Izard, 1991)