Pour Kruglanski & Webster (1996) le besoin de clôture fait référence au désir d’obtenir une réponse ferme à une question, tout en présentant une aversion pour l’ambiguïté. Le besoin est à entendre au sens psychologique et non biologique du terme. Ce besoin est une caractéristique stable qui peut être mesurée à travers une échelle (Webster & Kruglanski,1994). Le questionnaire mis au point par Webster & Kruglanski (1994) comprend cinq facteurs : préférence pour l’ordre, préférence pour la « prédictivité », esprit de décision, inconfort envers l’ambiguïté, esprit de fermeture. Les individus qui présentent un niveau élevé de besoin de clôture recherchent un ordre bien établi, une vie très structurée et présentent une aversion pour le désordre. Ils préfèrent avoir la possibilité de prédire les événements futurs, prennent leurs décisions rapidement et avec assurance, ont peur de faire des erreurs de jugement, éprouvent une sensation d’inconfort dans les situations ambiguës et préfèrent éviter d’être confrontés à des situations qui entrent en conflits ou qui sont inconsistantes avec leurs connaissances antérieures.

La motivation envers la clôture varie au cours d’un continuum qui part des individus qui ont un fort besoin de clôture et finit par ceux qui ont un besoin tout aussi important d’éviter la clôture (Kruglanski & Webster, 1996). Pour les auteurs, il n’y aurait donc pas « un » mais « deux » besoins, opposés l’un à l’autre, bien que les recherches portent principalement sur le besoin de clôture. Les individus qui désirent éviter la clôture préféreraient donc l’incertitude, seraient peu enclins à produire une position ferme et définitive, pourraient changer facilement et rapidement de jugement en fonction de différentes alternatives suggérées par la perspective qu’ils ont de la situation. Le besoin de clôture peut également être exacerbé expérimentalement lorsque la situation met en avant les bénéfices d’une clôture ou d’une absence de clôture. Par exemple, le besoin de clôture est exacerbé lorsqu’il y a une pression temporelle, lorsque les conditions de traitement de l’infor¬mation sont laborieuses et/ou aversives ; par exemple lorsque les sujets doivent traiter de l’information au milieu du bruit infernal d’une imprimante en tâche de fond (Kruglanski & al., 1993).

Le besoin de clôture a des implications majeures en termes de traitement de l’information, qui est systématiquement biaisée lorsque ce besoin est exacerbé. Par exemple, dans l’étude de Mayseless & Kruglanski (1987), les participants doivent identifier des photographies d’objets communs qui ont été fortement agrandies et prises sous un angle incongru afin d’en masquer leur nature réelle. Les sujets doivent formuler le maximum d’hypothèses concernant l’identité de l’objet et pour finir, doivent choisir celle qui leur semble la plus crédible. Le besoin de clôture est exacerbé dans cette étude en glissant subrepticement aux sujets que la capacité de formuler des opinions tranchées est reliée à l’intelligence et à la concentration mentale. Les résultats montrent que les participants qui ont un score élevé sur l’échelle de besoin de clôture formulent moins d’hypothèses que les autres. Le besoin de clôture biaise le traitement de l’information de façon à conduire les individus non seulement à avoir le moins d’hypothèses possibles en compétition, mais aussi à faire en sorte que moins d’attention soit accordée aux informations discordantes par rapports aux hypothèses retenues. Kruglanski & Webster (1996) proposent deux caractéristiques centrales de ce besoin : l’inclinaison à saisir la clôture et la tendance au gel de clôture. L’inclinaison à saisir la clôture se traduit par le fait que les personnes cherchent à clore le plus rapidement possible. Toute attente est vécue comme ennuyeuse. La tendance au gel de clôture se trouve dans le fait que les personnes cherchent à maintenir stables les anciennes connaissances tout en faisant en sorte que les futures connaissances ne les mettent pas en danger. Les individus qui ont un fort besoin de clôture ont donc tendance à être plus certain de leur choix, bien que ce dernier repose sur moins d’hypothèses.

Pour résumer, Kruglanski & Webster (1996) définissent le besoin de clôture comme une attirance envers les connaissances définies qui évite la confusion et l’ambiguïté. Il représente une dimension relativement stable en termes de différences individuelles et peut être induit expérimentalement en influençant la perception des bénéfices à la clôture (ou mettant en avant l’absence de coût). Le besoin de clôture exerce son influence au travers de deux tendances générales qui sont l’inclinaison à saisir le plus rapidement possible les opportunités de clôture et le gel de clôture, qui se trouvent incarnées par le maintien le plus long possible de l’acquisition de cette clôture.

Représentation intégrée du besoin de clôture
(d’après Kruglanski & Webster, 1996)