Pour Brehm (1966), le fait d’éliminer, ou simplement de menacer, la liberté d’action d’un individu provoque une motivation appelée la « réactance psychologique ». Cette motivation dirige le comportement de l’individu vers le rétablissement de cette liberté perdue virtuellement ou réellement. Lorsque les individus estiment que leur liberté d’action ou que certaines de leurs positions peuvent être limitées, ils tentent d’une façon ou d’une autre de restaurer cette liberté perdue.

Hammock & Brehm (1966) ont montré l’impact de la réactance psychologique dans une expérience conduite auprès d’enfants. Ils ont demandé, dans un premier temps, à des enfants de ranger 9 barres de sucreries différentes. Dans le groupe expérimental, ils ont informé les enfants qu’ils pourraient ensuite, comme récompense, choisir entre deux barres de sucrerie (sur les 9). Dans le groupe contrôle, ils disent aux enfants qu’ils pourront ensuite choisir entre les deux types de barres de confiserie. Dans un deuxième temps, une fois que les enfants ont ordonné leur troisième et leur quatrième choix, les expérimentateurs leur demandent de prendre celle qu’ils préfèrent parmi ces deux là. Avant qu’ils ne mangent leurs barres de sucrerie, ils demandent aux enfants de réordonner l’ensemble des barres. Les résultats de l’étude montrent que l’attractivité de l’alternative qui n’a pas pu être choisie augmente. De plus, le rang de l’alternative (3e rang pour le groupe expérimental) qui a fait l’objet d’une obligation de choix, diminue.

Les nombreuses études ultérieures ont montré que les conditions d’émergence d’une réactance psychologique sont inféodées à un certain nombre de caractéristiques.

  • La personne doit estimer que sa liberté d’agir ou de penser sans aucune entrave lui fera défaut dans un avenir proche.
  • Cette restriction doit être injustifiée ou illégitime. Si cette suppression de liberté est justifiée la réactance psychologique sera d’autant moins forte que la justification paraît légitime.
  • La force de la réactance psychologique varie en fonction de l’importance du comportement qui est menacé. Plus l’importance de ce comportement est forte, plus la réactance est importante.
  • La réactance est également modulée en fonction du délai de privation. La réactance est moins forte si la privation de liberté ne doit durer qu’une minute, par rapport à une privation d’une heure.
  • L’étendue de la réactance dépend aussi du degré de recouvrement qui existe entre les comportements disponibles et le comportement censuré. Si le recouvrement est important alors l’impact de la réactance est faible.

L’expérience de Brehm & Weinraub (1977) illustre parfaitement ce dernier point. Elle porte sur des enfants de 2 ans et sur deux jouets. Le premier jouet est placé devant une barrière avec l’enfant alors que le deuxième jouet est placé de l’autre côté de la barrière et est inaccessible. Dans une cas, le jouet inaccessible est similaire à l’autre jouet alors que dans l’autre il est différent. Dans une phase préalable de l’étude, les auteurs vérifient que cette différence n’a aucun impact sur la préférence du jouet. Les résultats montrent que l’enfant dans la condition de jouet différent tente d’approcher le jouet plus souvent que dans l’autre condition. La similarité entre les jouets atténue la force de la réactance.

Différentes recherches semblent également indiquer que si l’individu s’estime incompétent ou contrôlé par des événements extérieurs, il ne connaît pas, dans ces cas là, de réactance lorsque sa liberté est limitée. Différentes études se sont également intéressées aux caractéristiques individuelles des individus. En effet, certaines personnes semblent être plus réactantes que d’autres (Buboltz, Woller, & Pepper, 1999). Les études issues de la psychologie de la santé, semblent indiquer que les individus très réactants ont tendance à être plus stressés, à avoir des niveaux de dépression plus importants et se sentent moins heureux. Plus récemment, Thomas & al. (2001) ont proposé une échelle permettant de mesurer le niveau de réactance individuelle.

Représentation intégrée de la réactance psychologique
(d’après Brehm, 1966)