Le modèle du contrôle par l’action de Kuhl (1987) est surtout connu pour avoir été l’un des premiers à introduire, et surtout modéliser, un certain nombre de concepts novateurs comme l’intention, la volition ou encore l’idée d’une analyse procédurale de la motivation en terme de système d’information. Pour Kuhl (1987), un processus de décision s’appuyant uniquement sur une hiérarchie motivationnelle ne rend que très partiellement compte des modifications continuelles de celle-ci en fonction des actions de l’individu. Une personne peut, en effet, décider de faire une activité qui lui semble d’une grande importance sur le moment mais une fois dans l’action changer radicalement d’orientation motivationnelle pour faire autre chose. Il est donc possible de postuler l’existence d’un processus de contrôle qui va changer graduellement la force des tendances à l’action en faveur d’un engagement intentionnel. Pour expliciter ce processus, il est nécessaire de distinguer l’« intention » des « tendances motivationnelles ».

L’intention, pour Kuhl, comprend un aspect structural qui repose sur différentes mémoires. L’intention suppose que l’individu ait des connaissances déclaratives (valeurs, normes…) et procédurales. Ces mémoires contiennent les programmes comportementaux pour effectuer l’action. Ensemble, les mémoires déclarative et procédurale forment la mémoire sémantique de l’action. Cette mémoire sémantique est à distinguer de la mémoire émotionnelle qui serait plus intuitive. La représentation cognitive de l’intention en termes mnémoniques est cependant distincte de l’intention elle-même. En effet, une intention repose sur un plan d’exécution qui doit, dans un premier temps, être mis en phase d’activation pour faire l’objet d’un engagement dans un second temps. La mise en place, et surtout la maintenance de ce plan, représente l’aspect dynamique de l’intention qui est à différencier de son aspect structural. Une action orientée vers un objectif ne peut être exécutée que si ces deux composantes de l’intention sont activées. Dans cet aspect dynamique, la motivation est une source continuelle d’activation du plan mis en place de façon intentionnelle. Kuhl parle de « système motivationnel de maintenance ». Si un plan activé, active à son tour la mémoire motivationnelle, il devient un plan dynamique et gagne l’accès au système exécutif. Il est alors maintenu (énergisé) et protégé contre les plans qui sont en compétition avec lui. Une fois que le plan devient dynamique, deux solutions sont possibles. Pour la première, et la plus simple, le plan fonctionne et l’action se termine avec succès. La mémoire motivationelle est donc éteinte. La deuxième se produit en cas d’échec du plan et, là aussi, deux possibilités se présentent. Si l’individu arrive à abandonner le plan, alors là encore, la mémoire motivationnelle est désactivée et le système est libre de mettre en place un autre plan. Par contre, si l’individu n’arrive pas à abonner le plan, alors la mémoire motivationnelle continue d’être une source d’activation du plan et des structures mnémoniques associées. L’incapacité à désactiver le plan génère un certain nombre de dysfonctionnements que le modèle de contrôle par l’action permet d’expliciter.

Deux types de contrôle par l’action doivent cependant être distingués. Le contrôle par l’action fait référence à la maintenance et à la protection d’une intention activée qui peut opérer en mode passif et en mode actif. Le mode passif du contrôle de l’action est dépendant des relations de dominance au sein du système motivationnel de maintenance qui ne donne son appui qu’à la tendance d’action la plus forte. Ce mode de contrôle de l’action est probablement, pour Kuhl, maintenu grâce à des mécanismes attentionnels automatiques. Ce mode de contrôle ne requière donc aucun contrôle attentionnel. Le deuxième mode est le mode actif de contrôle de l’action. Il repose sur des capacités d’autorégulation et métacognitives.

Dans son modèle, Kuhl (1987) répertorie 6 stratégies d’autorégulation que les adultes utilisent activement afin de porter « à bout de bras » certaines intentions un peu trop « molles ».

1 – L’attention sélective est utilisée pour faciliter le traitement d’informations en faveur de l’intention actuelle ou le traitement d’informations susceptibles d’entrer en compétition avec elle.

2 – Le contrôle par l’encodage va faire en sorte d’encoder les éléments, des stimuli qui sont en lien avec l’intention actuelle.

3 – Le contrôle de l’émotion suppose d’inhiber les états émotionnels qui sont susceptibles d’avoir un effet néfaste sur la fonction protectrice de la volition.

4 – Le contrôle motivationnel fait référence aux processus qui visent à autoréguler sa propre motivation.

5 – Le contrôle environnemental s’appuie sur le fait que les émotions et les motivations peuvent être manipulées par l’environnement. L’individu est donc susceptible de développer des stratégies contrôlant l’environ-nement à cette fin

6 – Le traitement parcimonieux des informations fait référence à l’évaluation des conséquences des différentes alternatives d’une action. L’individu peut ainsi traiter de nouvelles informations afin d’évaluer toujours plus de conséquences possibles. Si l’individu estime que ce traitement de nouvelles informations met en péril l’intention courante, alors il va arrêter ce traitement.

Les contrôles actifs et passifs de maintenance contribuent à ce que Kuhl nomme le « mode de contrôle orienté par l’action » (action-oriented). Dans ce mode de contrôle, la maintenance et l’exécution d’une intention sont grandement facilitées car l’attention est focalisée sur le développement de plans d’action. À l’inverse, il parle de mode orienté sur la situation (state oriented) lorsque l’attention est focalisée sur une situation passée, présente ou future.

Représentation intégrée du modèle de contrôle par l’action (d’après Kuhl, 1987)