Le modèle des buts automatiques (Bargh, 1990, 2006) postule qu’il existe de multiples objectifs, mais que ces derniers n’ont pas tous un accès à la conscience. Ce modèle ne nie pas pour autant l’existence de buts pour lesquels il existe une délibération consciente mais pour certains, ces modes de délibération et choix conscients ne s’avèrent pas nécessaire.
Pour Bargh et ses collaborateurs (Bargh, 1990 ; Chartrand & Bargh, 1996 ; Bargh & Gollwitzer, 1994), les buts et les intentions sont représentés en mémoire de façon identique aux attitudes sociales ou aux stéréotypes. De la même manière que les stéréotypes peuvent être automatiquement activés par certains types de stimuli environnementaux, les représentations du but sont dotées des mêmes possibilités. Avec la répétition et le choix d’un but particulier dans certains types de situations, la représentation de cet objectif peut devenir directement et automatiquement liée en mémoire à la représentation de la situation. Les éléments présents dans l’environnement peuvent ainsi automatiquement activer des buts qui sont systématiquement associés à ces mêmes éléments. Les buts automatiques peuvent à leur tour presque mécaniquement activer « machinalement » des plans permettant d’accomplir l’objectif et ces derniers peuvent agir interactivement avec les informations relatives aux objectifs qui sont présents dans l’environnement. Dans ce contexte théorique, la totalité de la séquence allant du déclenchement de l’objectif jusqu’aux opérations qu’il entraîne, peut être activée sans que l’individu n’en ait ni la conscience ni l’intention. Les recherches faites dans le cadre des buts automatiques utilisent le priming ou l’accessibilité temporaire pour simuler les effets d’une accessibilité récurrente des objectifs.
Dans la deuxième expérience des études présentées par Chartrand & Bargh (1996) sur les buts automatiques, les sujets devaient réaliser, dans un premier temps, ce que l’expérimentateur appelle une tâche de vigilance. L’expérimentateur explique aux participants que le but affiché de cette activité est de mesurer leur temps de réaction et que, de leur côté, ils doivent réagir le plus rapidement possible lorsqu’ils voient un flash qui peut apparaître à droite ou à gauche de l’écran. Les participants ont pour instruction d’appuyer le plus rapidement possible sur le bouton placé à droite ou à gauche lorsqu’il voit le flash apparaître, et ce, en fonction de sa localisation (gauche ou droite). En fait, cette activité est une activité de priming. Les flashs sont constitués de mots présentés pendant 60 ms suivis d’un masque de lettres de 60 ms pour une présentation totale n’excédant pas 120 ms. L’apparition de ces mots en dehors de la fovéa ne permet pas au participant de prendre conscience qu’il s’agit de mots, il s’agit d’une exposition subliminale. Pour la moitié des participants, il s’agissait d’activer de façon non consciente un objectif de formation d’impression. Pour y parvenir, les mots présentés de manière subliminale relevaient tous de la formation d’impression, il s’agissait de mots tels que « impression », « personnalité », « évaluation ». Pour l’autre moitié des participants, les mots présentés étaient neutres. Après avoir été exposés à 75 de ces expositions subliminales, les participants sont ensuite conviés par l’expérimentateur à participer à ce qu’il présente comme une deuxième expérience. Cette fois, il leur explique qu’il s’agira d’examiner la relation entre leurs capacités de lecture et différents processus cognitifs. Pour mener à bien cette étude, il est demandé aux participants de lire une série de phrases sur l’écran d’un ordinateur. Ces phrases consistaient en des descriptions de comportements qu’il est possible de décrire soit comme honnêtes soit comme malhonnêtes, sans que cette possibilité de classification soit spécifiée aux individus.
Après cette phase de lecture, les participants ont reçu l’instruction, sans avoir été préalablement prévenus, de rappeler le maximum de phrases possibles. À la suite du rappel, l’expérimentateur informait les participants que toutes les phases qu’ils avaient lues concernaient en fait le comportement d’un seul et même individu « Gregory Cullen ». Un ultime questionnaire était alors présenté aux participants afin de recueillir leurs impressions sur Gregory Cullen. Les résultats de l’étude montrent que le jugement d’honnêteté de Gregory Cullen dépend du nombre de phrases indiquant qu’il est honnête mais aussi de la condition de l’activation automatique par priming d’un objectif de formation d’impression : il existe un lien direct (en termes d’analyse de parcours) entre le but automatique et la formation d’impression en fin d’expérience au sujet de Gregory Cullen. Les sujets chez qui le but automatique de traitement d’impression n’a pas été activé ne traitent pas l’information de la même manière que les individus de l’autre groupe.
Dans la première expérience de Chartrand & Bargh (1996), les participants devaient reformuler des phrases correctes du point de vue grammatical et sémantique à partir d’un ensemble de mots présentés de manière désordonnée. Pour le premier groupe de participants, les phrases contenaient des mots relatifs à la formation d’un but d’impression (« opinion », « impression ») alors que pour le deuxième groupe il s’agissait de mots liés à un but de mémorisation (« mémoire », « rappeler »). À la suite de cet exercice, les participants devaient lire une liste de 16 comportements relatifs à une personne et répondre par la suite à des questions sur cette même personne. Un rappel inopiné est demandé à la fin de la lecture de la liste. Les résultats de l’étude montrent un meilleur rappel et une meilleure organisation thématique des informations relatives aux comportements de l’individu pour les sujets qui avaient lors de la première activité des mots permettant d’activer un but d’impression.
Représentation intégréedes buts automatiques
(d’après Bargh, 2006)