Les recherches de Berlyne (1960) sur la curiosité s’inscrivent dans le cadre du béhaviorisme de Hull (1943) et du concept de drive.
Cependant, Berlyne ne se penche pas sur les comportements qui entrent « classiquement » dans le champ explicatif des drives primaires ou secondaires et qui renvoient d’une manière ou d’une autre à ce qu’il appelle des drives organiques. Il existe, en effet, de nombreuses activités humaines et animales qui ne semblent nécessiter aucune autre forme de récompenses que celles liées à l’activité elle-même. Ces activités, comme par exemple les activités ludiques, semblent être activées tout simplement pour effectuer des activités motrices ou pour atteindre un certain niveau d’activation émotionnelle ou de stimulation. Berlyne (1960) s’est particulièrement intéressé aux comportements attentionnels et à ceux d’exploration. Ces deux grandes catégories de comportements supposent qu’il existe des facteurs motivationnels cachés capables de garder l’organisme actif que cela soit au niveau perceptif ou intellectuel. Dans ce contexte, le niveau d’activation/excitation de la formation réticulée semble être un dénominateur commun. Berlyne se réfère notamment aux travaux de Moruzi & Magoun (1949) qui montrent que toute stimulation électrique au niveau de la formation réticulée modifie l’électroencéphalo¬gramme en générant un « pattern » d’activation. Les différents niveaux d’activation vont de l’endormissement jusqu’à l’excitation la plus extrême.
Plus globalement, Berlyne (1960) estime que tout ce qui concoure à augmenter le niveau d’activation/excitation peut avoir une incidence attentionnelle et d’orientation des réponses de l’organisme. Parmi les facteurs multiples susceptibles d’avoir une incidence sur le niveau d’activation de l’organisme, il identifie des « variables collatives ».
« (…) nous allons les appeler les variables collatives, car pour les évaluer, il est nécessaire d’examiner les similarités et les différences, les compatibilités et les incompatibilités entre les éléments, entre un stimulus présent et des stimuli qui ont été expérimentés précédemment (nouveauté et changement), entre un élément d’un pattern et les autres éléments qui l’accompagnent (complexité), entre différentes réponses activées simultanément (conflits), entre des stimuli et des expectations (surprises), ou entre des expectations excitées en même temps (incertitudes) » (Berlyne, 1960, p. 44, traduction libre).
Pour Berlyne (1960), l’organisme est motivé en permanence à maintenir ce qu’il appelle
« un influx optimal de potentiel excitateur » (p. 194, traduction libre)
autrement dit, à se maintenir à un niveau optimum d’activation. Si le niveau de stimulation est trop élevé, il va réduire le niveau d’excitation en se décentrant des variables collatives. Par contre, si le niveau de stimulation est trop faible, il va initier des recherches allant dans le sens d’une plus grande variété de stimuli, d’amusement ou de curiosité. La fameuse motivation cachée, qui doit composer en permanence avec cet optimum de stimulation, reste cependant, pour Berlyne (1960), un drive. Pour lui, il est
« évident qu’un type de drive est réduit au travers de l’exploration divertissante et excitée quand les stimuli externes sont notoirement insuffisants ou excessivement monotones (…) le drive en question est ce qui s’appelle généralement l’ennui » (p. 187, traduction libre)
. De même, le comportement d’exploration est expliqué par la présence d’un drive d’exploration ou de manipulation en fonction de l’activité d’exploration ciblée. La curiosité épistémique, pour sa part, serait sous-tendue par un drive « à connaître » (drive to know) qui serait excité par différentes formes de conflits que peuvent avoir les connaissances entre elles. La recherche et l’accumulation de connaissances permettraient de réduire ce conflit et, par la même, d’apaiser ce drive épistémique. Pour résumer, bien que Berlyne n’en donne ni une liste précise ni un fonctionnement aussi détaillé que Hull, les drives qu’il propose semblent reposer (il n’est pas totalement explicite sur ce point) sur la formation réticulée (là où Hull, 1943, parlait de « besoin ») et donc sur le niveau d’excitation ou d’apaisement qu’ils peuvent avoir sur cette zone cervicale.
Représentation intégrée de la curiosité (d’après Berlyne, 1960)