Si le concept de « drive » permet d’expliquer relativement bien la motivation du comportement animal, cette explication est beaucoup moins crédible lorsqu’il s’agit d’expliquer celui de l’être humain. Comment un besoin biologique peut-il expliquer par exemple la motivation d’un employé de bureau ?
Mowrer et ses collaborateurs (Mowrer & al., 1939 ; Miller, 1941, 1948) se sont employés à étendre le concept de « drive » afin de lui faire englober des phénomènes motivationnels plus complexes comme la frustration ou l’anxiété.
Dans le cadre d’un apprentissage aversif utilisé par Miller (1948), l’animal est placé dans une boîte à navette qui comporte deux compartiments séparés par une porte. Ces deux compartiments comprennent un plancher qui peut être électrifié. Le compartiment où est déposé l’animal est électrifié quelques temps après que ce dernier y ait été placé. Cette électrification du plancher n’est pas effective dans l’autre compartiment. Si l’animal passe la porte de séparation il peut donc se soustraire au choc électrique. Au fur et à mesure des répétitions, les expérimentateurs s’aperçoivent que l’animal passe de plus en plus vite dans l’autre compartiment jusqu’à ne plus recevoir aucun choc électrique. Une fois cet apprentissage effectué, l’expérimentation connaît une seconde phase qui, du point de vue de l’animal, est strictement identique. En effet, ce dernier est déposé dans une boîte à navette identique à la précédente. Cependant, cette fois, les expérimentateurs ne vont jamais électrifier le plancher. Autre différence, la porte est fermée et pour l’ouvrir l’animal doit apprendre à utiliser un autre mécanisme (faire tourner une roue). Lorsque l’animal découvre que la porte est fermée, il montre des signes de peur (défécation, augmentation du rythme cardiaque). Il se lance alors dans des activités aléatoires qui finissent par lui faire découvrir le mécanisme lui permettant d’ouvrir la porte (pas chez tous les rats). À partir de ce moment, l’apprentissage suit la même pente que précédemment, l’animal va de plus en plus vite apprendre à utiliser le mécanisme d’ouverture.
La première phase de l’expérience s’explique très bien avec la conceptualisation précédente de Hull (1943). Les chocs électriques créent un drive qui pousse l’animal à apprendre. Par contre, la deuxième partie de l’expérience est difficilement explicable puisqu’il n’y a pas de choc électrique et donc de drive. Miller (1941) introduit le concept de « drive secondaire » pour expliquer la présence de cette motivation en l’absence de tout besoin et donc de drive maintenant la qualité de primaire qui les accompagne. Ce drive secondaire dans l’expérience de Miller (1948) est défini comme l’anxiété.
Pour Miller & Dollard (1944), les drives primaires sont en mesure d’induire des stimuli qui sont à la base des drives secondaires. Pour eux, l’anxiété est l’une des réponses innées émises par l’organisme face à la douleur. Les réactions physiologiques produisant la sensation d’anxiété peuvent facilement faire l’objet d’un apprentissage en tant que réponse dans une situation nouvelle, et ce, en l’absence de douleur réelle. L’anxiété dans cette conception est donc un drive secondaire alors que la douleur est un drive primaire. Miller & Dollard (1944) estiment que la peur est apprise car elle peut se rattacher à des stimuli neutres. La peur de la douleur, c’est-à-dire l’anxiété, est un drive car elle est en mesure de motiver. Sa réduction est en mesure de renforcer l’apprentissage et la performance de nouvelles réponses.
Représentation intégrée des drives primaires et secondaires
(d’après Miller & Dollard, 1944)