Le terme de « drive » (que l’on pourrait traduire par « énergie », « dynamisme » ou encore « mobile ») a été introduit par Woodworth en 1918 pour décrire le réservoir d’énergie qui pousse un organisme à adopter certains comportements.
La position de Hull est cependant quelque peu différente de celle de Woodworth. Pour Hull (1943), ce sont les déficits physiologiques, ou besoins, qui poussent l’organisme à l’action. Ce sont donc les besoins qui vont créer les drives ou motivations de l’animal. Les besoins fondamentaux sont la faim, la soif, l’air, l’évitement des dommages organiques, le maintien de la température corporelle, la défécation, la miction, la récupération après un effort, le sommeil et l’activité après une période d’inactivité. La conception de Hull s’appuie sur celle de Cannon (1939) qui donne un sous bassement physiologique à la notion de drive en introduisant le concept d’homéo¬stasie (elle même issue des travaux du physiologiste français Claude Bernard). Selon Cannon, l’organisme est animé par des processus physiologiques qui veillent au maintien d’un équilibre dans l’organisme. Par exemple, suite à un effort physique, lorsque le taux d’oxygène baisse dans le sang et que le dioxyde de carbone augmente, la respiration se fait plus rapide et plus profonde pour procurer une oxygénation supplémentaire. Cet état de déséquilibre pendant lequel l’organisme recherche son état normal est une rupture de l’homéostasie. Ce principe permet de comprendre qu’un état de privation produit une rupture de l’équilibre interne qui crée la « motivation » poussant l’organisme à rechercher la restauration de l’état antérieur.
Pour Hull, le drive a une fonction énergétique, mais il n’a pas de fonction directionnelle. L’ensemble des drives fusionne en une seule énergie qui a pour fonction de dynamiser l’organisme. La direction du comportement est expliquée par les associations stimulus-réponse. Cependant, pour que les associations apparaissent, il est indispensable que certains besoins ne soient pas satisfaits. N’importe quel besoin peut ainsi activer les associations qui ont été préalablement apprises. Hull propose l’une des premières formulations théoriques qui inclue la motivation comme principe explicatif de la performance, en voici la formulation :
S = R x D
Pour Hull, le potentiel de réaction « S » qui conditionne la performance ou l’effort est une fonction multiplicative de l’habitude « R », ou force de l’habitude, et du drive « D ». L’habitude est ici uniquement une fonction additive du nombre d’associations stimulus-réponses dans la plus pure tradition béhavioriste. D’innombrables expériences ont validé cette théorie. De nombreuses études basées sur l’apprentissage de labyrinthes montrent que la vitesse de parcours dépend du jeûne de l’animal et du nombre d’essais antécédents. Les animaux les plus rapides sont ceux qui, à la fois ont eu de nombreux parcours antérieurs et ont la faim la plus forte.
Hull inclut une deuxième source de motivation pour expliquer le comportement : l’incitation. De nombreuses études ont montré que la nature, le moment ou la manière de donner de la nourriture à l’animal pouvait avoir un effet énergétique différent du drive sur le comportement de ce dernier.
Dans une expérience, Crespi (1942) introduit dans un labyrinthe trois groupes de rats ayant préalablement été mis à jeûner. Le premier groupe reçoit 1 portion de nourriture, le deuxième 16 et le dernier 256 à chaque parcours de labyrinthe. Au bout de 20 parcours, l’expérience entre dans sa deuxième phase où les trois groupes reçoivent tous 16 portions de nourriture. Dans la première phase, les rats se comportent comme le prédit la loi émise par Hull. Ceux qui reçoivent une grande quantité de nourriture (256 boulettes) vont plus vite que ceux qui ne reçoivent qu’une ou 16 boulettes. Mais, lorsque la ration change brutalement lors de la deuxième phase de l’expérience pour s’égaliser à 16, les deux groupes qui avaient précédemment 1 ou 256 boulettes de nourritures se comportent très différemment. La vitesse d’apprentissage du groupe qui avait une seule boulette augmente, alors que celle du groupe qui avait 256 diminue. Dans cette expérience, comme dans d’autres du même type, la modification de performance survient de façon abrupte lorsque la nature de la récompense est modifiée. Ce constat conduit Hull à modifier son équation de base en introduisant l’incitation comme facteur multiplicatif :
S = R x D x I
Cette équation permet de voir que si un des termes est nul, le potentiel de réaction « S » est lui-même nul. Les deux principes énergétiques du comportement se distinguent alors au niveau conceptuel par leur mode d’action. Le drive « pousse » le comportement alors que l’incitation le « tire ». Par ailleurs, le paramètre central du drive est le temps de privation, alors que l’incitation est fonction de certaines propriétés de l’objectif comme les variations ou le goût.
Pour Hull (1943) l’origine psychologique du comportement se trouve à un niveau biologique, cependant ce sont les drives qui dérivent de ces besoins, qui représentent les motifs de l’action de l’organisme (Figure 44).
Représentation intégrée du drive et de l’incitation
(d’après Hull, 1943)