De nombreuses théories motivationnelles utilisent les niveaux de performance atteint par les individus pour étudier la motivation. Cependant, plusieurs facteurs, liés ou non à la motivation, peuvent expliquer une piètre ou une excellente performance. L’effort et la capacité de l’individu sont généralement ceux qui viennent les premiers à l’esprit. Nicholls (1984) a étudié ces deux facteurs et a montré qu’ils ont un impact important sur la motivation de l’individu. Le principe de base de cette conception théorique est la suivante : « préférez-vous attribuer votre réussite ou votre échec à vos compétences ou à vos efforts ? ». La réponse à cette question est plus complexe qu’il n’y paraît et demande de prendre en compte plusieurs facettes de la relation effort/compétence/performance.

Chez l’adulte, l’effort et la compétence sont inversement reliés. Cette relation inverse est parfaitement illustrée par l’étude de Covington & Omelich (1979). Ces auteurs demandent à des étudiants de répondre à une série de questionnaires attributifs qui examinent la relation entre l’effort, l’incom¬pétence, l’insatisfaction et la honte. Ces questionnaires demandent, dans chacun des cas évoqués précédemment, à quoi peut être attribué un échec à un examen. Ils examinent à chaque fois les quatre cas de figures suivants : faible effort sans excuse, faible effort avec excuse, grand effort sans excuse et grand effort avec excuse. L’excuse invoquée pour un effort important est que l’examen ne porte presque pas sur le cours. L’excuse pour un faible effort implique une maladie qui cloue l’étudiant au lit. Les résultats de cette étude montrent que le niveau de honte et d’insatisfaction est au maximum lorsque l’étudiant échoue à un examen ou bien lorsqu’il fait un maximum d’effort. L’inverse est également vrai, les étudiants s’estiment moins honteux ou incompétents lorsqu’ils échouent en ayant fait le minimum d’effort.

Par ailleurs, Nicholls (1979) montre également que, chez les enfants, la relation entre effort et performance est directe jusqu’à un certain âge. Pour les enfants jusqu’à 6 ans, la compétence est jugée en fonction de la performance antérieure. Maîtriser une tâche en faisant beaucoup d’effort s’accompagne d’une augmentation de la compétence par rapport à un même niveau de performance, mais en faisant peu d’effort. Cette conception évolue entre 8 et 12 ans pour aboutir à une différentiation entre l’effort et la compétence chez presque tous les enfants de 12 ans. Cette différentiation permet à l’enfant de comprendre qu’il existe une relation inverse entre effort et compétence comme nous avons pu le voir précédemment. Cependant, pour Nicholls (1984), cette relation directe entre effort et performance se retrouve également chez l’adulte dans certaines situations. Nicholls fait une distinction entre les activités où l’individu est impliqué par l’ego et celles où il est impliqué pour l’activité.

L’individu est impliqué par l’ego dans les situations où la performance des autres est rendue visible ou lorsque la personne est invitée à évaluer des compétences (les siennes ou celles des autres). Dans ces conditions, si un individu s’aperçoit que d’autres personnes arrivent à un niveau de performance supérieur avec moins d’effort, alors sa perception de compétence est négative. Cette distinction entre effort et compétence est nécessaire lors d’une évaluation objective des compétences. Imaginons l’impossibilité de comparer nos efforts et notre performance par rapport aux autres : il est, dans ce cas, difficile d’estimer si notre performance est liée à la difficulté de l’activité, à nos efforts ou à nos compétences. Dans ces conditions, à niveau de performance équivalent, si l’individu fait davantage d’effort que les autres, il va s’estimer incompétent. À l’inverse, toujours à niveau de compétence équivalent, si l’individu fait moins d’effort que les autres, alors il s’estimera très compétent.

Dans le cadre d’une situation d’implication par l’ego, les sentiments d’embarras et de honte sont élevés quand ils sont associés à une faible compétence (Jagacinski & Nicholls, 1984). Par contre, toujours dans la même situation, l’association avec peu d’efforts aboutit à un faible sentiment de culpabilité. Pour aller plus loin, il est possible de dire que lorsqu’un individu se trouve dans une situation dans laquelle il est impliqué par l’ego et où, en même temps, il estime avoir de faibles compétences, alors il va probablement chercher à montrer qu’il fait le moins d’effort possible pour éviter de ressentir honte ou embarras.

Dans deuxième cas d’une implication l’activité elle-même l’objectif de l’individu est simplement de gagner en compétence sur l’activité ciblée. Dans cette optique, l’effort permet à l’individu de progresser dans sa maîtrise de l’activité. Lorsque l’individu est impliqué pour l’activité, l’effort et la capacité sont directement reliés. Autrement dit, l’effort est conçu comme le moyen d’en apprendre plus sur l’activité. Un effort important est donc le signe d’un gain de compétence alors qu’un effort minime est apparenté à une faible augmentation de capacité. Ainsi, lorsque l’individu est impliqué pour l’activité, un effort important est accompagné par un sentiment de fierté et une grande perception de compétence, ce qui était exactement l’inverse dans le cas d’une implication pour l’ego.

Les conséquences motivationnelles de ces deux formes d’implication sont considérables. L’implication par l’ego incite l’individu à faire le moins d’effort possible, tout en maintenant un niveau de performance équivalent aux autres. Seuls les individus qui ont une forte croyance en leurs capacités sont donc en mesure de fournir un effort supplémentaire lorsque les niveaux de performances sont en déclin. Les individus qui estiment, par contre, n’avoir aucune compétence particulière ne vont pas tenter de relever les défis qui s’imposent à eux. Pour ces individus peu compétents, l’effort qu’ils fournissent est, en lui-même, l’indicateur de leur médiocrité, induisant honte et embarras. À l’opposé, si l’individu est impliqué pour l’activité, alors il a tout intérêt à faire le plus d’effort possible pour augmenter sa sensation de compétence.

Ces deux types d’implication dépendent, pour Nicholls, en grande partie, de la présentation qui est faîte de l’activité. Pour certaines d’entre elles, comme les loisirs, tel que l’apprentissage de l’informatique, l’astronomie (ou autre), l’individu s’implique uniquement avec pour objectif de gagner en maîtrise. Par contre, pour d’autres, comme l’apprentissage scolaire ou les compétitions sportives, le même individu va être dans une perspective d’implication pour l’ego.

Représentation intégrée du type d’implication (d’après Nicholls, 1984)