Depuis l’introduction du concept de métacognition par Flavell (1979), il ne fait aucun doute que c’est par ce biais que l’apprenant peut avoir un impact significatif sur son apprentissage. Par la suite, plusieurs auteurs ont montré toutes les limites du concept de métacognition lorsqu’il est restreint à la sphère purement cognitive (Boekaerts, 1996 ; Zimmerman, 1998 ; Winne, 1996). Ainsi les travaux sur l’autorégulation ont permis de montrer que les stratégies utilisées par l’apprenant lors de son apprentissage pouvaient s’étendre à d’autres domaines comme la motivation et même le contexte d’apprentissage (Pintrich, 2004 ; Zimmerman, 2002). Si ces différentes conceptions reprennent les travaux sur la mémoire (Lieury, 2005) pour spécifier les moyens d’action dont dispose l’individu pour agir sur la mémoire, elles ne précisent pas si la motivation peut agir directement sur la mémoire. Le modèle de Zimmerman (2002) ou celui de Pintrich (2004) par exemple listent différentes stratégies que peuvent utiliser les individus pour agir sur leur mémoire, mais l’action de la motivation sur la mémoire n’est pas directe.
Le modèle que j’ai proposé par ailleurs sur l’interaction motivation-mémoire (Fenouillet, 2003b) tente précisément de répondre à cette question. Il s’agit ici d’indiquer comment et à quelles conditions la motivation peut agir sur la mémoire. La mémoire n’est pas une mais multiple et l’action de la motivation sur ces différentes mémoires est distincte en fonction de celle qui est considérée (Lieury, 2005). Deux grands ensembles doivent être pris en compte pour comprendre le fonctionnement de la mémoire : la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Le modèle de l’action de la motivation sur la mémoire (Fenouillet, 2003b) stipule que l’action de la motivation sur les différentes mémoires est indirecte. La motivation agit sur la mémoire au travers des processus que peut contrôler l’individu. Cela implique qu’elle n’agit pas sur ceux qui sont totalement automatisés et donc non conscients. Par exemple, la motivation n’agit pas sur les mémoires sensorielles car, à ce niveau, le traitement de l’information repose sur des processus automatiques. En ce qui concerne la mémoire à court terme, la motivation agit sur deux processus qui sont directement contrôlés par l’individu : l’attention et la répétition. L’élève motivé est généralement attentif et, à l’inverse, une très grande dispersion en classe peut être l’indicateur d’un problème de motivation. Cependant, ces deux mécanismes ne garantissent pas que l’élève ait, au bout du compte, correctement retenu sa leçon. En effet, l’objectif de tout apprentissage est la mémoire à long terme. La motivation à ce niveau va agir au travers des stratégies d’organisation de l’information. L’élève motivé est celui qui cherche en permanence la meilleure stratégie possible pour apprendre car il sait intuitivement que c’est par ce biais qu’il aura la possibilité de mémoriser davantage d’informa¬tions. Les élèves friands de méthode d’apprentissage, ou de conseils pour retenir telle ou telle règle de grammaire complexe, font preuve au travers d’une telle curiosité d’une réelle motivation. À l’inverse, les élèves démotivés, en échec scolaire, ne cherchent nullement à connaître les meilleures méthodes pour apprendre, de même qu’ils ont tendance à fuir tous les conseils et astuces qui peuvent leur être prodigués à ce niveau alors qu’ils en auraient davantage besoin que les autres.
L’action de la motivation sur la mémoire à long terme est différente en fonction des connaissances antérieures de l’élève. Les études sur l’expertise (Ericsson, Krampe & Tesh-Römer, 1993) ou celles sur la mémoire encyclopédique (Lieury, 2005) montrent que plus les individus ont de connaissances dans un domaine, plus ces connaissances sont structurées entre elles. Dans la mesure où la motivation agit sur les possibilités d’organisation qu’a l’individu quand il apprend, de nombreuses études ont montré que l’action de la motivation est d’autant plus forte que l’étudiant a de connaissances dans un domaine (cf. Fenouillet, 2003b pour une revue). Si l’étudiant a peu de connaissances, l’action de la motivation va être faible car les possibilités d’organisation le sont également. Par contre, si l’individu a beaucoup de connaissances dans un domaine alors, en fonction de la motivation, le stock des nouvelles informations qu’il peut emmagasiner peut varier du simple au double (Fenouillet & Lieury, 1996).Ce dernier aspect est à prendre particulièrement en compte dans toute forme d’apprentissage. En effet, si l’individu part avec moins de connaissances que les autres, même s’il est plus motivé que ces derniers, sa rétention sera généralement inférieure. En voyant ses faibles performances malgré des efforts conséquents, ce type d’individu a donc plus de risque de se résigner (Abramson & al., 1978). Inciter l’individu à produire plus d’effort, pour atteindre le niveau des autres, risque alors d’être contre-productif car il n’a pas les moyens d’augmenter immédiatement ses performances. À l’inverse, les individus qui ont beaucoup de connaissances peuvent de temps à autre avoir de faibles performances. Pour eux, ces relatives contre performances peuvent rapidement trouver une solution avec le retour d’une motivation plus forte. La conduite à tenir diffère pour ces derniers,. Augmenter la demande à leur égard peut, cette fois, avoir un effet bénéfique sur les performances.