Pour Bandura (2003), « l’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (p. 12).

Il apporte également de nombreuses précisions sur ce concept notamment au travers de la distinction avec d’autres notions apparentées (expectation, estime de soi par exemple).

« L’efficacité personnelle perçue concerne les évaluations par l’individu de ses aptitudes personnelles (…). » (p 24)

cependant elle

« n’est pas une mesure des aptitudes d’une personne mais une croyance relative à ce qu’elle peut faire dans diverses situations, quelles que soient ses aptitudes (p. 64) (…). Des personnes différentes avec des aptitudes identiques, ou la même personne dans des circonstances différentes peuvent donc obtenir des performances faibles, bonnes ou extraordinaires, selon les variations de leurs croyances d’efficacité personnelle » (p. 63).

Le sentiment d’efficacité personnelle n’est donc pas une sorte de méta-capacité générale contrastant avec la spécificité des différentes aptitudes. Il s’agit plutôt d’une croyance qui se module en fonction des aptitudes auxquelles fait appel l’individu. Par exemple, un individu peut estimer qu’il sait très bien se servir du système d’exploitation d’un ordinateur (par exemple Windows ou Linux) sans pour autant se sentir capable d’utiliser, ou même de maîtriser, l’utilisation d’un logiciel de statistiques. Il s’agit bien de l’utilisation de deux logiciels, mais le sentiment d’efficacité personnelle est variable dans les deux cas. Cependant, même si l’individu ne connaît pas le logiciel de statistiques, il pourra estimer qu’il peut malgré tout en utiliser au moins les rudiments. Cette estimation d’efficacité repose sur les expériences de maîtrise de différents logiciels informatiques. Au travers de cette expérience multiple, il a développé un sentiment d’efficacité qui est, cette fois, plus généralisable que la simple maîtrise d’un seul logiciel.
L’efficacité personnelle perçue est à la fois spécifique à une activité, mais elle peut se généraliser à plusieurs activités similaires voire à un domaine d’activité donnée. Lorsque l’individu ne connaît pas une activité, il se base sur la relation entre l’activité nouvelle et une autre activité connue la plus proche possible pour se faire une idée de son efficacité personnelle. Certains individus vont s’estimer efficaces dans de nombreux domaines, alors que d’autres vont restreindre leur sentiment d’efficacité perçue à certains domaines de compétences liés à leurs pratiques.

Comment se forge le sentiment d’efficacité personnelle ? Pour Bandura (2003), la performance atteinte dans une activité n’est pas la seule source d’information du sentiment d’efficacité personnelle.

« Les croyances d’efficacités personnelles sont construites à partir de quatre principales sources d’informations : les expériences actives de maîtrise qui servent d’indicateur de capacité ; les expériences vicariantes qui modifient les croyances d’efficacité par la transmission de compétences et la comparaison avec ce que font les autres ; la persuasion verbale et des formes proches d’influence sociale soulignant que la personne possède certaines capacités ; les états physiologiques et émotionnels à partir desquelles les gens évaluent partiellement leur capacité, leur force et leur vulnérabilité au dysfonctionnement. » (p. 124).

S’il n’est pas faux de dire que la réussite permet d’accroître le sentiment d’efficacité personnelle tandis que l’échec a tendance à le miner, cette argumentation reste trop simpliste pour s’appliquer à toutes les situations. L’individu qui réussit trop facilement va par exemple voir fondre son capital d’auto-efficacité aux premiers échecs. À l’inverse, une série d’échec suivie d’une seule performance exceptionnelle peut conforter durablement le sentiment d’efficacité personnelle de l’individu. Comme nous avons pu le voir précédemment, dans le cadre d’une implication pour l’ego, une réussite obtenue au prix d’un effort important a un effet négatif sur le sentiment d’efficacité personnelle. À l’inverse, si l’individu est impliqué pour l’activité, plus l’effort est important, plus l’individu s’estime compétent. Dans ce dernier cas de figure cependant, l’individu ne tient pas compte des performances d’autrui. Pour Bandura, l’observation de l’autre, notamment au travers des études sur l’apprentissage vicariant, est l’un des quatre processus clef dans la construction du sentiment d’efficacité personnelle. Il juge la comparaison sociale comme indispensable pour évaluer ses capacités. Cet étalonnage se fait en fonction de critères de comparaisons qui sont les garants d’une évaluation justifiée de ses propres compétences. L’individu va se comparer avec des individus qui lui sont similaires. La réussite ou l’échec de ces « modèles » en a d’autant plus d’impact. Le modèle a aussi une action plus directe sur le sentiment d’efficacité personnelle de l’individu.

Dans une perspective sociale cognitive, Bandura affirme que le simple fait d’observer un modèle échouer ou réussir, va avoir un impact sur le sentiment d’efficacité personnelle. De nombreuses études montrent que non seulement l’observation d’autrui accroît ou réduit le sentiment d’efficacité, mais aussi que l’auto-observation peut avoir les mêmes effets. Là encore, plus le modèle est proche en termes de compétence, plus son impact est important.

La troisième source du sentiment d’efficacité personnelle est la persuasion verbale. Si le fait de souligner les capacités personnelles a comme impact d’augmenter le sentiment de capacité personnelle, insister fortement sur une réussite minime a pour effet d’informer hypocritement que l’individu a de faibles capacités.
L’influence de la source de persuasion est à mettre en relation avec les différents indicateurs d’efficacité dont l’individu dispose. Inciter une personne à travailler dur pour faire des progrès va la conduire à estimer, après de nombreuses séances de travail acharné, que ce sont ses efforts et non ses compétences qui sont à la base de ses réussites. L’individu aura donc une perception d’efficacité personnelle moindre. Deux caractéristiques semblent avoir un effet sur la persuasion verbale : la crédibilité et le niveau d’expertise de la source. Plus la source est experte dans le domaine de compétence visé, plus son influence est importante.

La quatrième source d’information pour établir le sentiment d’efficacité personnelle est liée aux états émotionnels. Lorsque l’individu effectue une activité, il perçoit son niveau de stress, ses battements cardiaques, son niveau de ventilation, l’effort qu’il déploie, la fatigue qu’il ressent, autant d’indicateurs qui vont être interprétés différemment en fonction du sentiment d’efficacité perçue. Les recherches actuelles sur l’émotion indiquent qu’un indicateur, par exemple le niveau d’excitation, peut être interprété de différentes façons en fonction du contexte.

L’ambiguïté des perceptions émotionnelles laisse place à une large gamme d’interprétations possibles. Les individus qui ont un faible sentiment d’efficacité perçue vont donc interpréter une augmentation de rythme cardiaque comme un état désagréable produisant de l’anxiété alors que ceux qui ont un niveau d’efficacité perçue élevé vont attribuer ce même battement de cœur comme une augmentation de l’excitation annonciatrice d’une réussite future.

Un autre point important concerne la relation entre motivation et sentiment d’efficacité personnelle. En effet, si ce dernier est différent de la motivation elle y participe activement. Pour Bandura (2003), la motivation a une action sur les performances au travers de « motivateurs cognitifs anticipatoires » et le sentiment d’efficacité personnelle entre dans la « composition » de ces motivateurs. La motivation est cognitive car l’individu cherche à déterminer les causes de ses réussites ou de ses échecs. La motivation est anticipatoire car elle repose sur l’expectation de performances tout en étant guidée par des objectifs qui permettent à l’individu d’ajuster comportements et stratégies.

La motivation est donc issue de l’expectation de résultats, notamment dans l’attente de réussites anticipées. Au travers de la représentation cognitive des conséquences à venir, l’individu va générer la motivation du comportement courant. L’auteur considère comme un renforcement, l’opération qui affecte le comportement en créant des expectations qui anticipent les gains futurs ou qui permettent d’éviter les difficultés futures. Il différencie cependant cette forme de renforcement, du renforcement skinnérien - bien qu’il s’en inspire - car ce dernier est automatique et donc non contrôlé par l’individu. Cette attente de réussite est une des sources de motivation du comportement. Des échecs répétés vont diminuer le capital de confiance personnelle, et en retour affecter les chances de réussites futures.

Une autre source de motivation est fournie par les références aux standards internes que se crée l’individu. L’individu va en permanence s’évaluer au travers de ses standards internes. Le fait de se rapprocher de ses standards va générer chez lui un système d’auto récompense qui va se maintenir tant que le standard n’est pas atteint. La perception d’une différence négative entre la performance et le standard crée une insatisfaction qui va motiver un changement correctif du comportement. Pour expliquer comment la motivation peut être relancée en permanence, l’auteur estime que, dès qu’un standard est atteint, le sujet va se fixer des standards plus élevés pour re-dynamiser cette autorégulation motivationnelle. Cette relation entre but, connaissance des performances et satisfaction nous permet de mieux comprendre les résultats qui ont été exposés en introduction (Bandura & Cervone,1983).

Le groupe qui a vu ses performances les plus augmentées est celui qui avait à la fois un objectif et un feedback. Dans ce groupe, les individus ont pu constater une augmentation de leurs performances grâce au feedback (24 %), ce qui a eu un impact positif sur le sentiment d’auto-efficacité. Cependant, ils n’ont pas réussi à atteindre l’objectif de 60 %, ce qui provoque un sentiment d’insatisfaction. Cette insatisfaction motive les individus de ce groupe à outrepasser leurs performances à la dernière séance puisqu’ils les doublent comparativement aux autres groupes qui n’ont pas bénéficié de l’ensemble des informations (soit sans but, soit sans feedback).

Représentation intégrée de la théorie du sentiment d’efficacité personnelle(d’après Bandura, 2003)